Je commence une série à laquelle je songe depuis longtemps, qui sera donc la série des Blasons des parties du corps douloureuses. Le premier poème a été de circonstance et a vocation à être, sans mauvais jeu de mots, la colonne vertébrale de cette série, son centre névralgique, là d’où tout part. On y trouvera : une prétérition qui donne vie au poème, une métaphore immobilière, un jeu de mots sur un poète symboliste, et une antithèse entre l’extérieur et l’intérieur, l’apparence et la fonctionnalité réelle.
Je n’aurais pas dû vivre – et je le dis sans peine,
Sans souhait de me tuer, sans vœu d’apitoyer.
Mon corps fonctionne peu. J’entame cette chaîne
Pour dire la douleur d’être ce corps cassé.
Je ne peux pas vraiment poétiser mon dos.
Je suis un bâtiment de béton mal armé
Prototype lyrique et vitrine du lot
Qui doit être vendu aux jeunes gentrifié·es,
Mais dont le mur porteur risque l’écroulement.
Je suis donc bien jolie, neuve et très lumineuse,
Mais en dedans un bancal investissement.
Le tramadol camoufle à peu près la misère…
La brique de mon dos, quoique plus nuageuse,
Pèse, bloc accablant, camelote vulgaire.